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IV

Emmanuel de Rouvré, en arrivant à Limoges, était allé voir l’amie de sa sœur avec l’idée préconçue d’en faire sinon sa maîtresse, au moins une sorte d’amante idéale et platonique qui mettrait un intérêt dans sa vie de garnison. Il se souvenait de l’avoir trouvée jolie autrefois, et ne doutait pas qu’elle ne dût être devenue une femme accomplie. Il pensait aussi que la vie de province pesait à cette Parisienne exilée, et que le prestige de la gloire et de la poésie la séduirait un peu.

Lorsqu’au premier abord il l’avait vue sottement comédienne et maladroitement coquette, il s’était dit que la conquête ne serait pas difficile. « Elle est devenue bien provinciale, pensa-t-il ; mais, n’importe, elle est belle, je la crois encore naïve : je l’aurai. »

Telle avait été l’impression de M. de Rouvré ; telle était aussi sa morale. Il ne se faisait aucun scrupule de séduire Marguerite de Mauguet, parce que le vicomte ne comptait point parmi ses amis ; et puis, il n’attachait qu’une médiocre importance aux affaires de cœur, n’ayant jamais aimé bien sérieusement.