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Marguerite devint pourpre de honte. Ce mouvement instinctif venait de lui faire mesurer sa faute. Elle s’enfuit en détournant la tête ; toutefois, avant de disparaître, elle jeta ses gants à Emmanuel comme un gage ou comme une promesse.

En dix minutes, elle eut remplacé son amazone de drap par une robe d’organdi décolletée, plongé son visage dans l’eau fraîche pour en effacer la rougeur, lissé ses cheveux et jeté sur ses épaules une écharpe de tulle. Le second coup sonnait au moment où elle arrivait à la salle à manger, frissonnant de tout le corps, pressant ses mains sur son cœur comme pour lui imposer silence. Quel visage vais-je faire ? pensait-elle, en me retrouvant là, en face de lui ?…

Par bonheur, il avait disparu. La vicomtesse éprouva en ce moment un soulagement indicible. Elle reprit, pour embrasser son fils et saluer sa tante et son mari, une apparence de sang-froid, se mit à table et s’efforça de manger et de prendre part à la conversation. L’amour illuminait ses yeux de flammes inconnues et faisait courir sous sa peau un sang vermeil et chaud. Elle était belle à ravir. Le vicomte le remarqua, tandis qu’elle tressaillait au moindre bruit, croyant à chaque minute voir apparaître son amant.

Il ne revint pas cependant et personne ne prononça son nom ni ne fit allusion à sa venue.

— Est-ce un rêve ? se demanda-t-elle à la fin du dîner ; l’ai-je vu ? m’a-t-il parlé ?… ou bien suis-je en proie à une hallucination ?…