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— Est-ce que vous arrivez de Limoges ?

— Oui, madame.

— Par quel chemin avez-vous donc pris ? Je suis restée une heure sur la route, avec M. le curé.

— Je connais des sentiers qui traversent les bois, coupent les landes et gagnent Mauguet sans trop de détours.

Il y eut un court moment de silence, de ce silence embarrassant qui précède les paroles décisives. Marguerite, en dépit d’elle-même, ne trouvait pas une phrase banale à son service pour donner le change à la situation ou en retarder le danger.

Emmanuel la regardait toujours d’un regard interrogateur et profond. Elle se troublait de plus en plus.

— Quelle chaleur ! dit-elle enfin, pour rompre ce redoutable silence.

L’officier ne put réprimer un sourire : — Et quel vent il a fait l’hiver dernier, s’écria-t-il.

— Excusez-moi, reprit la vicomtesse qui, par une résolution suprême, se dirigea vers la porte, je vais changer de costume.

Elle ajouta d’une voix mal assurée, quand elle fut sur le seuil : — Voilà bientôt l’heure du dîner ; mon mari et ma tante ne tarderont pas à rentrer.

— Et vous allez me laisser seul pour les attendre ?… Je comprends, madame, que mes visites vous importunent et que vous voulez les rendre moins fréquentes.

Cette menace terrible glaça tout à coup le sang de Marguerite : — Il ne reviendrait plus !… pensa-t-elle.