Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nuel. Le feu lui monta au visage ; elle se leva tremblante pour marcher au-devant de sa vision, que chaque seconde rendait plus nette et plus vivante.

— Pardon, madame, dit M. de Rouvré en se levant à son tour. Je n’ai pas parlé plus tôt parce que je vous ai vue rêveuse, préoccupée… j’ai craint de vous troubler, de vous surprendre par ma présence intempestive comme par une sorte d’indiscrétion.

Elle ne put retenir un mouvement de joie ; mais bientôt, malgré le battement de son cœur, elle retrouva les apparences du sang-froid.

— Et puis, poursuivit l’officier, pour être franc, je dois dire que j’aimais à suivre vos préoccupations sur votre front… J’aurais voulu lire dans votre pensée… comme si j’avais dû y voir ce que je désire.

En trouvant son amant chez elle et prompt à l’attaque, la vicomtesse triomphante sentit soudain renaître sa force, et cet instinct de défense qui n’abandonne la femme que dans les moments de surexcitation désespérée. Elle se redressa, toute prête à prendre le haut du pavé.

— Et c’est pour être à même de lire dans ma pensée que vous vous êtes caché là ? répondit-elle avec un ton ironique qui ne dissimulait pas bien, pourtant, un léger tremblement dans la voix.

— Je ne me suis point caché, madame ; je suis venu ici comptant vous y trouver, et, m’y voyant seul, à l’ombre et au frais, j’ai pris la liberté de m’y reposer d’une longue course en vous attendant.