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nait comme elle était partie, sans avoir fait faire un pas de plus à sa situation douloureuse ; qu’il allait falloir recommencer encore une journée d’angoisses, d’attente stérile, de jalousie et d’incertitude. Peut-être deux… ou trois… Retrouverait-elle jamais l’audace de renouveler sa tentative manquée ?… De tels coups ne réussissent que par leur impétuosité et leur invraisemblance.

Elle s’arrêta au milieu du salon et se laissa tomber sur une bergère comme à bout de forces et de courage ; l’idée d’aller se déshabiller, cette idée machinale qui la conduisait dans le chemin de sa chambre, lui passa de l’esprit. La fatigue de la matinée jusqu’alors oubliée l’accabla. Elle poussa un profond soupir et murmura : « Pourquoi donc vivre ?… »

Marguerite demeura quelques instants les yeux fixes, les bras pendants, immobile et défaite comme la statue de la Désespérance. Peu à peu, cependant, ses yeux s’accoutumant à l’obscurité, distinguèrent les objets. Elle reconnut les meubles, rangés dans leur ordre accoutumé et coupés par un rayon de soleil, qui perçait à travers la fente des volets ; elle suivit dans leurs méandres les grains de poussière qui tourbillonnaient dans le jet de lumière.

Tout à coup, ce silence et cette obscurité s’animèrent pour elle d’un étrange intérêt. Il lui sembla, était-ce un jeu de l’imagination ? il lui sembla qu’en face d’elle un homme, assis sur un canapé, la regardait fixement, et que cet homme ressemblait à Emma-