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semblait à peine ressentir la chaleur, tant elle était agitée par des préoccupations vives. Une sorte de fièvre la poussait en avant, qu’elle courût à sa perte ou revînt au logis. Elle était en proie à cette ébullition du sang et à ce bouleversement des facultés pensantes qui annoncent les grandes crises.

L’air ne lui paraissait précisément ni chaud ni froid, mais comme chargé de poudre ou de phosphore, car il est des moments, dans la vie, où les impressions extérieures perdent leur caractère réel pour en prendre un fantastique. C’est ainsi que certains somnambules, sous l’influence de leur magnétiseur, trouvent à l’eau pure le goût et la force du vin de Madère, et au vinaigre, la saveur du lait ou du sirop.

Lorsque la vicomtesse arriva, ni mademoiselle de Mauguet ni le vicomte n’étaient au château. Elle jeta sa bride à un domestique sans lui adresser la parole, sauta par terre et entra, son voile sur le visage, sa cravache à la main, et sa longue jupe traînant dans la poussière.

À cause du soleil et de la chaleur, on avait fermé les contrevents. Il faisait sombre dans l’intérieur du château, et Marguerite qui venait du grand jour et qui était voilée, marchait comme à tâtons dans la direction de sa chambre.

La fraîcheur et l’obscurité calmèrent tout à coup sa surexcitation, la fièvre qui la soutenait s’éteignit dans un découragement profond et dans un insurmontable ennui. Elle se dit qu’après tout elle reve-