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fatigant aux autres et à lui-même, qui aurait vraiment bien fait de se retrancher du monde, si Dieu et la vertu n’existaient pas.

— Oui, dit Marguerite, tout cela semble juste. Cependant la passion, la faiblesse et la poignante douleur subsistent… Il y a des moments, dans la vie, où le cœur a le vertige…

— Nous ne serions pas des hommes sans cela, mais des anges.

— Et quelle barrière sépare la chute du triomphe ? Quel grain de sable fait pencher la balance ?… Souvent c’est un incident léger, un hasard, un coup de fortune, qui font le crime ou la vertu…

— Ces hasards, la Providence les envoie toujours à ceux qui ont combattu de tout leur courage. « À brebis tondue Dieu mesure le vent. »

La vicomtesse ne répondit pas. Elle secouait, du bout de sa houssine, la poussière que les pieds des chevaux faisaient voler sur la soutane du curé, et ne perdait pas de vue son projet. Seulement elle avait beau chercher une ruse, elle n’en trouvait pas. Il fallait se décider pourtant, car tout en causant on faisait du chemin. Tout à coup elle arrêta son cheval en s’écriant :

— Mais nous avons dépassé Fraîchefond, monsieur le curé ! si je vous laisse prêcher, vous me mènerez jusqu’au faubourg !

— Eh bien ! si mes sermons pouvaient vous intéresser un peu et vous faire quelque bien, je tenterais l’aventure, dit en souriant le brave prêtre, toujours