Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

heur que la rencontre de ce prêtre, qui me met dans l’impossibilité de faire une démarche insensée… Mais n’y aurait-il donc aucun moyen de me servir de lui pour ramener Emmanuel ?… »

Elle en était à creuser cette idée, lorsque les dernières paroles de l’abbé, qui semblaient une allusion à l’état de son cœur, lui frappèrent les oreilles et réveillèrent son attention.

— Ah ! oui, s’écria-t-elle avec véhémence, plutôt le désespoir que l’incertitude !

— Eh bien ! donc, pourquoi au lieu de croire avec la simplicité de votre cœur, doutez-vous avec l’orgueil de votre esprit ? repartit le pauvre prêtre, qui pensa soudain avoir trouvé l’occasion de ramener à Dieu sa rebelle pénitente. Est-ce que jamais nous trouverons, par la seule force de notre intelligence, la solution des grands problèmes qu’un enfant résoudrait en lisant l’Évangile ? Ne vous y trompez pas, chère madame, nous sommes à une époque de crise. Satan secoue ses chaînes au fond de l’abîme et voudrait escalader le ciel. C’est le péché des anges déchus que cette folie de certains esprits, grands d’ailleurs, qui osent interroger Dieu et lui demander compte de ses mystères. Aussi voyez où en viennent les personnalités allégoriques enfantées par leur génie : au suicide ! le crime suprême, le seul pour lequel il n’y ait point de miséricorde. Et comment pourrait-il en être autrement ? Sans la foi, je m’émerveille qu’on supporte les peines de la vie.