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ainsi était donc déjà une inconvenance, une bravade à l’opinion. Elle ne pouvait manquer d’y être remarquée. Les moins malicieux diraient qu’elle jouait à la Diana Vernon ; les autres se demanderaient quelle cause inimaginable lui faisait ainsi courir le pays, sans domestique et sans chaperon ; pourquoi elle faisait la valeur de sept lieues à cheval, au lieu de les faire dans sa berline ? Enfin, ce qu’elle était venue faire à Limoges, pendant ce voyage rapide et mystérieux.

Elle n’avait pas atteint la grand’route que son bon sens lui démontrait comment, dès le lendemain, tout le pays saurait sa course à Limoges, et le but de cette course. « Ce sera un scandale inouï, pensa-t-elle, et je ne tomberais pas d’une plus lourde chute en quittant ouvertement mon mari, pour aller vivre avec un amant. »

Toutefois cette idée qui la fit trembler ne l’arrêta pas. Seulement, elle se dit qu’avant d’ouvrir son cœur à l’amour, une femme devrait songer à s’aplanir les voies du péché, et à débarrasser sa vie de toutes les entraves sociales qui gênent sa liberté.

Elle se résolut à ne point emmener le fils de son métayer : « Ce serait, pensa-t-elle, me donner un témoin dangereux. Il vaut bien mieux que je m’adresse, dans le faubourg, à quelque jeune garçon qui fera ma commission sans me connaître… Eh ! après tout, s’il est un dieu pour les ivrognes, pourquoi n’y en aurait-il pas un pour les amants ? Peut-être ma folie restera-t-elle ignorée…