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« Eh ! bien ! se dit-elle, j’irai à Limoges : j’emmènerai le petit François avec moi et je l’enverrai à la caserne demander l’adresse du lieutenant Emmanuel de Rouvré. Je m’informerai aussi par ce moyen du café où il va d’ordinaire. Mais si je ne l’y trouve pas non plus ?… « Il y aurait de l’indiscrétion à le chercher ailleurs, » a dit M. de Mauguet ? Où donc ailleurs ?… Chez cette autre qu’il aime, sans doute… Oh ! je le trouverai où qu’il soit ! »

Le lendemain, dès le matin, à une heure où habituellement la vicomtesse n’était pas encore sortie de sa chambre, elle chevauchait sur le chemin de traverse pour aller gagner la grand’route de Limoges. Elle avait revêtu son amazone de drap vert, son chapeau de feutre et son voile, comme pour une promenade. Mais sous ce harnais de plaisir son cœur battait avec violence, ses oreilles bourdonnaient, ses yeux troublés ne voyaient plus devant eux. « Je me perds, » se disait-elle à chaque pas en avant que faisait son cheval. Et cependant elle marchait toujours, pressant du talon le flanc de sa monture, et l’aiguillonnant du bout de sa cravache.

Cette première démarche coupable lui révélait tout à coup l’importance et la puissance des mille usages qui enferment les femmes dans le cercle des convenances sociales, et dont elles ne peuvent enfreindre un seul sans donner prise au blâme ou au soupçon. Par exemple, elle n’y avait jamais été seule à Limoges, et jamais non plus elle n’y avait été à cheval. S’y montrer