Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa sœur… et la femme de son ami… Grand Dieu ! c’est possible, en vérité !… Mais mon mari est-il son ami dans toute l’acception du mot ? Non, ils ont ensemble cette liaison banale qui est comme une assurance mutuelle contre l’ennui, et voilà tout ! Au demeurant, M. de Rouvré n’est jamais venu que dans l’intention de me faire la cour. Pourquoi mon mari ne s’en aperçoit-il pas et me porte-t-il ses billets ?… Moi, je n’ai pas à me reprocher d’avoir encouragé ses visites… ni de l’avoir prôné, attiré, invité… Cela regarde M. de Mauguet… Faut-il donc qu’on l’avertisse ?… L’avertir !… Ce serait peut-être mon devoir… mais qu’arriverait-il alors ? une explication… un duel… D’ailleurs, que pourrais-je dire ? Que j’ai reçu une déclaration écrite de M. de Rouvré ? Et si son billet n’était pas pour moi ?… Au fait, il ne m’a jamais adressé de paroles d’amour, ce jeune homme… C’est moi, moi, malheureuse, qui l’aime follement !…

« Non certes, je ne le dénoncerai pas !… Je garderai dans mon cœur ma passion insensée… Je serai heureuse de le voir tous les jours… Oui !… jusqu’à ce qu’un ordre du ministre change de garnison le régiment d’Emmanuel !… Alors il quittera le pays tranquillement, après m’avoir offert, en cérémonie, un coffret de bois des îles comme souvenir !… Oh ! pauvre créature que je suis ! »

Quelques larmes marquaient cette page. Sur l’autre feuillet, daté du 26, l’écriture était tremblée :

« … Pas venu encore !… Que les journées sont