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tions, les mêmes habitudes régulières et placides, apportait aussi une tentation, et faisait faire un pas de plus dans la voie mauvaise. Dans cet espace de temps qui s’écoulait entre le lever, les occupations matinales de l’intérieur, le dîner en famille, l’après-dînée remplie par les visites des amis et des voisins, le souper, la partie de cartes, qu’Emmanuel de Rouvré fût venu ou non, il n’en avait pas moins avancé, le soir, dans le cœur de Marguerite.

Tantôt il frappait l’esprit par une démarche hasardée, tantôt il intéressait l’imagination par des récits séduisants ou des paroles ardentes. Tantôt il achevait de prendre le cœur en surexcitant la curiosité et la jalousie, tantôt enfin il restait tout à coup quelques jours sans venir, sans s’occuper de Marguerite en aucune façon.

Ces éclipses subites et sans raisons apparentes avançaient son triomphe plus que toute autre chose. Lorsqu’il venait assidûment, la vicomtesse, apaisée par sa présence et assurée de son amour, trouvait une certaine force de résistance ; mais lorsqu’elle ne le voyait plus, qu’elle se demandait, durant ses longues journées solitaires : « Que fait-il ? où est-il ? » alors elle perdait la tête, l’appelait de toute la force de ses désirs, et se sentait prête à lui crier un aveu.

Elle avait perdu l’appétit et le sommeil et ne vivait véritablement que durant les visites de l’officier ; le reste du temps se passait dans l’attente ou le regret. Lors donc qu’il manquait à venir, la pauvre affolée