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tion ne s’était pas empirée. Comme si sa contenance, interdite et stupéfiée, n’avait pas fait faire au mal un pas immense ! Ensuite, elle en devint inquiète ; cette idée qui lui avait traversé l’esprit la veille au soir l’obséda : « Si ce billet en effet devait être pour une autre ? Si elle était le jouet d’une erreur, la victime d’une méprise ? »

L’indifférence apparente de l’officier donnait alors à cette conjecture une vraie probabilité ; tout à coup Marguerite se sentit mordue par une jalousie insensée.

« Oui ! c’est cela ! plus de doute ! » se dit-elle. En même temps, il se déchira comme un voile de devant sa conscience, elle vit clair dans son cœur, et ne put empêcher ses lèvres de murmurer : « Je suis perdue !… »

Ce fut pendant la prière, et tandis que Jeanne récitait un psaume, que ce terrible éclair illumina l’esprit de la vicomtesse. Aussitôt elle perdit même cet instinct machinal qui la guidait dans les actes extérieurs de la vie ; les versets et les répons s’embrouillèrent dans sa mémoire. Elle balbutia des phrases sans suite, et finit par rester court.

Mademoiselle de Mauguet acheva seule la prière sans plus s’inquiéter du trouble de sa nièce. Seulement, au moment où chacun gagnait sa chambre, et après le bonsoir d’usage, elle lui dit : — Êtes-vous malade, Marguerite ? Vous paraissiez fatiguée ce soir ?

— J’ai marché toute la matinée, j’ai lu, j’ai écouté la conversation de M. de Rouvré et de mon mari… Tout cela m’a mis comme un moulin dans la tête. Pardon, ma tante.