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ment pour cela qu’il faut se soumettre aux circonstances, puisqu’on ne peut les diriger. Certainement il est dur d’affermer Mauguet pour dix-huit cents francs, mais…

— C’est impossible, voilà tout !

— Une seule personne est capable de relever la fortune de sa maison à force de dévouement et d’énergie, s’écria le jeune avocat avec enthousiasme ; c’est la noble fille qui, rejetée du cloître par la Révolution, lancée dans le monde et dans la vie, seule, sans appui, sans patrimoine, mais avec un brevet de proscription, a osé affronter et le travail et la misère ! C’est la novice aux voiles blancs, la patricienne à l’écusson séculaire qui a su, pour gagner dignement son pain, se faire l’institutrice de la fille d’un conventionnel sans renier sa foi, sans pactiser un seul instant avec la Révolution, accomplissant maternellement ses devoirs envers son élève et restant, au milieu de ce monde impie et régicide, comme Daniel au milieu des lions…

— Oh ! mon cher Louis, votre esprit poétise en moi les actions les plus simples… J’ai fait ce que j’ai pu… j’ai essayé de le faire honorablement. À ma place vous eussiez agi de même… Ne me drapez pas en héroïne… ne me placez pas trop haut…

— Trop haut !… Jamais, dit le jeune homme d’une voix émue et entrecoupée ; jamais, jamais trop haut !… Mon cher abbé, vous souvenez-vous de ce que votre oncle disait de mademoiselle de Mauguet, alors qu’elle était enfant ?