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Par malheur, Marguerite, en lui montrant le livre, n’avait pas pris garde à la page sur laquelle il était resté ouvert. Une larme, une larme accusatrice marquait cette page. Le curé la vit, parcourut le passage, et dit à la vicomtesse en la regardant en face :

— Mais pourquoi avez-vous pleuré ?

Elle rougit et ne put contenir un mouvement d’impatience ; puis elle reprit :

— Je vous dirai cela plus tard… en confession.

L’abbé comprit à cette réponse, et à l’accent dont elle était faite, que la vicomtesse lui imposait silence. Il se tut, étouffa un soupir, et feuilleta le livre en manière de contenance.

La nuit tombait, Marguerite sonna pour demander une lampe ; puis elle prit sa tapisserie et recommença de manœuvrer son aiguille avec toute l’agilité de ses doigts.

Jeanne rentra la première ; elle tendit affectueusement la main au curé, lui fit les questions d’usage et reprit avec lui cette conversation demi-affable, demi-banale qui recommençait tous les jours depuis tant d’années. Quelle que soit, d’ailleurs, la fécondité des intelligences et la richesse des cœurs, il faut toujours en venir, avec le temps, aux phrases stéréotypées sur le soleil et la pluie, la santé générale ou particulière, les nouvelles du jour, etc. Seulement l’accent avec lequel ces questions et ces réponses sont modulées, décèle les vrais sentiments des âmes. Le « comment vous portez-vous ? » peut se traduire de tant de ma-