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tous ses commensaux. Avant que le bouton de la porte n’eût tourné dans la serrure, elle s’était dit : — Ce n’est pas lui… Ce n’est pas mon mari… Ce n’est pas ma tante… ni Pierre… C’est monsieur le curé. Quel ennui !

L’abbé Aubert, en effet, essuyait son chapeau avec son mouchoir, secouait sa soutane et sa ceinture, et s’approchait de la cheminée.

— Bonjour, madame la vicomtesse, dit-il ; vous voilà donc seule ! Et que faites-vous là, devant ce triste feu et par ce temps sombre ? Vous ne pouvez pas coudre ?…

Il chercha un siége, vit le livre, et reprit :

— Vous lisiez ?… comme toujours !

— Est-ce un reproche ? demanda-t-elle.

— Je ne vous reproche pas d’aimer la lecture, mais je vous reproche de vous complaire à certaines lectures.

— Ah ! les romans, n’est-ce pas ? reprit la vicomtesse avec un demi sourire. Vous direz bientôt, d’après d paradoxal Rousseau, qu’une femme qui a lu un roman est une femme perdue !

— Quelquefois, madame.

— Ah !

— Un mauvais roman est une bien dangereuse chose pour certaines imaginations.

— Appelez-vous ceci un roman, et un mauvais roman ? dit-elle en lui tendant Faust.

— Non, madame, ceci est un poëme, un poëme chrétien, comme la divine épopée du Dante.