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ser que les autres ne monteront guère au-dessus.

— Oui, que faire ?… reprit l’abbé Aubert.

— Tout, excepté cela.

— Sans doute, si notre amie était une femme d’expérience au lieu d’être une jeune fille, si elle entendait l’agriculture, ou si le vicomte, en revenant à Mauguet voulait entreprendre la restauration de sa fortune, il vaudrait mieux essayer de faire valoir Mauguet, et d’améliorer la propriété par un sage gouvernement, que de le mettre en ferme. Mais que peut mademoiselle Jeanne maintenant ? Et que pourra le vicomte à son retour ? Il sera plus accoutumé à commander un bataillon qu’à diriger un défrichement. D’ailleurs, la vie d’agriculteur est une vie à part, et qu’il faut avoir menée dès les premières années de la jeunesse.

— Jamais Raoul de Mauguet ne fera et surtout n’achèvera une pareille entreprise, cela est sûr, dit vivement le docteur. Le vicomte était, à vingt-six ans, un brave et hardi gentilhomme, chassant à merveille le loup et le renard, maniant bien l’épée, spirituel, instruit, tout à fait digne de faire un charmant capitaine. Aujourd’hui le vicomte Raoul a quarante-deux ans ; il a été battu par toutes les tempêtes politiques, sans avoir pu comme nous juger de près les hommes et les choses ; au contraire, éloigné du théâtre de la lutte, attaché à la suite des princes, il a dû conserver ses goûts et ses opinions immuables. Tous les gentilshommes émigrés n’en sont-ils pas là ?

— Eh bien, cher docteur, reprit l’abbé, c’est juste-