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— Et pourtant, madame, une seule chose leur fait sentir le bonheur : la tendresse d’une femme.

Cette réponse fut faite presque dans l’oreille de Marguerite, à demi-voix, d’un ton bref et avec un accent qui la fit tressaillir. Elle n’osa pas dire un mot et ne leva plus les yeux de dessus son ouvrage.

Rentrée dans sa chambre, elle écrivit à la date du 30 avril :

« … Décidément c’est un homme dangereux que cet Emmanuel de Rouvré. Il a un ton de supériorité et d’impertinence tout à fait insupportable. On ne peut nier toutefois qu’il ne soit instruit, qu’il ne pense bien, et ne sache dire éloquemment ce qu’il pense ; mais les comédiens aussi sont de beaux parleurs… Il est élégant — comme tous les Parisiens !… Il a une beauté fière et noble, un regard scrutateur et passionné qui traverse l’âme… Mais que d’audace ! Est-ce une déclaration d’amour qu’il a osé me faire tout à l’heure en présence de mon mari ? Cette phrase qu’il m’a lancée à l’improviste m’est entrée dans le cœur comme un trait rapide et acéré… Il avait l’air, en même temps, de mettre à mes pieds tout son passé brillant, toute sa gloire, comme ce chevalier qui jetait son manteau brodé aux pieds de la reine Élisabeth, et de me dire avec orgueil : « Madame, soyez digne qu’on ait fait tout cela pour vous ! »

« Comédie sans doute ! À combien d’autres a-t-il parlé ainsi ? mieux peut-être !… car, enfin, moi je ne