Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

car, tel qui se croit fort succomberait peut-être au premier choc, ou crierait merci à la première angoisse.

— Mais comment peut-on connaître sa force ou sa faiblesse ? demanda Marguerite.

— À la mesure de sa résignation, répondit Jeanne.

— Et si l’on ne peut pas se résigner ? allait s’écrier Marguerite ; mais elle retint cette exclamation imprudente au bord de ses lèvres. Et, comme la conversation avait atteint des régions trop hautes, elle tomba tout à coup : un silence plein de méditation régna pendant quelques minutes. Ce fut le vicomte qui le rompit en attirant l’attention de son hôte sur quelques accidents du paysage.

À la nuit tombante, le curé et le docteur, qui avaient été spécialement conviés, arrivèrent ; on regagna le château et l’on s’installa au salon. Après les présentations, la causerie devint générale. On parla, comme il est d’usage dans les circonstances analogues, de mille choses fort indifférentes en elles-mêmes. Le lieutenant vanta la beauté du pays ; le docteur et le curé dirent des choses obligeantes à l’officier à propos des guerres d’Espagne et de Morée.

Ce fut l’occasion pour Emmanuel de faire preuve d’érudition et de goût. Il s’étendit peu sur les opérations militaires et ne se mit jamais en scène ; mais il se montra antiquaire et poète. Il dépeignit avec éloquence la beauté des sites, la grandeur sauvage du caractère espagnol, la férocité des Turcs, les vestiges grandioses de l’antiquité grecque, les traces encore