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La vicomtesse jeta sur son mari un singulier regard où luttaient l’étonnement et le mépris ; et puis, elle se dit qu’elle n’avait pas besoin, elle, de courir au-devant des terribles agitations du cœur ; et pensa aux poëmes de passion et de douleur que pourraient raconter ces murailles, tapissées de jasmins et de roses, si elles avaient une voix.

Jeanne ne s’émut pas du cri de révolte de son neveu, car elle connaissait de longue date la portée de ces boutades qui étaient plutôt un jeu d’esprit que toute autre chose. D’ailleurs, elle tenait le jeune Pierre par la main et lui expliquait, en lui montrant les nouvelles pousses des arbres, le phénomène de la végétation printanière.

— Et voilà comment l’homme aspire toujours à ce qu’il n’a pas, reprit l’officier. Le bonheur même ne saurait le satisfaire dès qu’il est exempt de péripéties. On dirait que les émotions sont la nourriture de l’âme, et que dès qu’elles s’apaisent, l’inanition commence. La lutte, c’est la vie après tout ! il ne faut peut-être pas être trop heureux…

— C’est ce qui m’aura perdu ! interrompit le vicomte.

— Je crois, dit Jeanne, qu’il faut en toutes choses se soumettre à la Providence et adorer ses décrets. Il y a des créatures taillées pour la lutte. Il y en a d’autres qui doivent, en naissant, trouver leur existence toute préparée. Dieu nous donne à chacun le fardeau selon nos forces, Ne souhaitons jamais d’avoir à combattre…