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— Voilà deux heures qui sonnent. Il n’y a pas de raison pour qu’ils arrivent aujourd’hui !

— Avez-vous faim, Marguerite ? dit vivement Jeanne, comme frappée d’une idée subite. Mais nous pouvons fort bien nous mettre à table !

Aveuglement étrange des gens qui ont passé l’heure de l’amour ! Et pourtant, Jeanne aussi avait connu ces moments d’inexplicable angoisse, pendant lesquels la vie semble suspendue. Elle avait éprouvé ces obsessions singulières qui précèdent l’envahissement de la passion. Mais les froides années de l’âge mûr, en se succédant, formaient comme des couches d’oubli sur ce passé brûlant. Quand on n’a pas encore aimé ou que l’on n’aime plus, l’amour semble une folie. On ne le comprend plus, on n’en devine plus les prémices, on ne peut plus y croire.

Le vicomte et l’officier arrivèrent enfin bottés et crottés comme de vrais chasseurs, s’excusant fort de leur retard, et proclamant un vigoureux appétit.

M. de Rouvré présenta son gibier à la vicomtesse en la priant de vouloir bien être indulgente pour l’habit de combat en faveur de la victoire. Il avait d’ailleurs le plus élégant des déshabillés de chasse, et Marguerite ne put s’empêcher de le trouver beaucoup mieux ainsi qu’en tenue de visite. Le costume moderne des hommes est si disgracieux, qu’il gagne toujours aux modifications qui lui donnent un peu de pittoresque.

Marguerite mangea peu, malgré son impatience de