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teur sans qu’il ait partagé au moins un des repas de la famille.

La glace une fois rompue entre le lieutenant et la vicomtesse, la cordialité s’établit. Jeanne aimait la jeunesse comme tous les vieillards qui sont restés bons. Quant au vicomte, il accueillit très-chaleureusement Emmanuel de Rouvré, car il entrevit tout de suite en lui un commensal aimable qui pourrait l’aider à trouver moins longues les journées de chasse, et ranimer la conversation au coin du feu.

Rentrée dans sa chambre, le soir, Marguerite fut moins empressée à prendre dans son tiroir le cahier où elle avait coutume d’exhaler ses plaintes. Elle s’assit dans sa bergère et se prit à rêver d’une rêverie vague, mais sans amertume. Elle eût été embarrassée de formuler ses pensées en apparence incohérentes, et qui cependant tournaient toutes dans un même cercle, autour d’un même pivot. Parfois le dépit plissait son front. C’était lorsqu’elle se souvenait de l’embarras de sa contenance et de la maladresse de sa conversation à l’arrivée d’Emmanuel, lorsqu’elle sentait que, dès l’abord, il avait pris l’avantage sur elle. Parfois elle souriait involontairement : c’était lorsqu’elle songeait que son intérieur si morne allait enfin s’animer un peu, qu’il y aurait un but désormais à mille choses qui n’en avaient point. Elle se demanda déjà si sa toilette ne paraissait pas bien démodée à un Parisien, si ses façons n’étaient pas devenues celles d’une provinciale, si le souper avait été convenablement