Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

envieuse et sotte ! mais, en vérité, on dirait qu’une fatalité malfaisante dirige notre conversation. Je me sens stupide !… Et pourtant, nous nous entendrions peut-être, si nous n’avions débuté par cette pique d’amour-propre !

Elle s’efforça de vaincre son embarras et dit presque avec aisance :

— Puisque vous allez habiter ce pays, j’espère, monsieur, que vous viendrez quelquefois à Mauguet : je n’ose dire souvent, car la vie patriarcale que nous menons ici devra sembler un peu décolorée à un Parisien, à un homme du monde, à un officier qui connaît en même temps les plaisirs d’une société choisie et les émotions d’une vie agitée.

— Mais je n’aime pas exclusivement la vie de bivouac, et quant aux agréments intimes d’une société d’élite, c’est ce que ma sœur a voulu m’assurer en ce pays, madame, en m’adressant à vous.

— Mon mari lit et chasse. Ma tante, qui est une sainte et vénérable personne, a tous les dons du cœur et de l’intelligence. Elle sait beaucoup, elle a vu Paris pendant la Révolution, elle a connu toutes les personnalités célèbres de ce temps terrible et singulier ; elle conte à ravir ; mais son esprit s’est tourné surtout vers les idées sérieuses et les connaissances pratiques. Elle parle souvent morale et religion avec notre excellent curé, ou bien agriculture avec un vieux médecin de ses amis. Pour moi, je ne sais rien et ne parle pas de grand’chose. Je vis plus