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Séville, Madrid ?… demanda Marguerite soudainement intéressée.

— Oui, madame, et les mers de l’Archipel, et Chio, et Corinthe, Athènes, Navarin…

Elle demeura silencieuse pendant quelques secondes, puis elle reprit :

— Savez-vous, monsieur, qu’il y a dix ans tout à l’heure que nous ne nous sommes vus ?

— Les dix plus belles années de la jeunesse. Mais vous, madame, vous avez profité de ces dix années-là pour laisser venir votre beauté à tout son développement radieux. Ce que je vous dis là ressemble à une fadeur, et cependant rien n’est plus vrai. Vous êtes beaucoup plus belle aujourd’hui que vous n’étiez alors, et je ne dois pas être le premier à vous le dire.

— Si vraiment.

— Alors tant mieux pour moi, madame.

« Il est fat et impertinent, » pensa la vicomtesse.

— Parlez-moi de Pauline, dit-elle, de son élégance, de ses toilettes, de ses bals. Son mari a une fortune énorme, n’est-ce pas ? Car pourquoi aurait-elle épousé ce monsieur Milleret ?

— Mais parce qu’elle l’aimait, madame. Mon beau-frère est un homme très-instruit, très-estimé et fort agréable, ce qui ne gâte rien. Il appartient à une famille honorable, sinon noble. Et pour sa fortune, elle est en effet de celles qu’on envie.

Marguerite se mordit les lèvres de dépit. — Il me prend, se dit-elle, pour une provinciale coquette,