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— Madame, reprit le jeune homme, j’ai donné ma carte à un domestique qui m’a ouvert la porte, et je l’ai prié de faire demander si vous pouviez me recevoir. Il m’a répondu que vous étiez au bout du jardin, au bord de l’étang, et que vous m’attendiez. J’en ai conclu que vous aviez bien voulu faire droit à la requête de ma sœur et que vous aviez daigné prévenir vos gens.

— J’avais dit, en général, que je recevais, balbutia Marguerite dont l’embarras croissait.

— Alors, madame, permettez-moi de me féliciter d’avoir été confondu, ou sous-entendu, dans la généralité de vos visiteurs.

— Vous méritiez assurément d’en être distingué, reprit-elle ; et, sans un oubli impardonnable, j’eusse retenu ici mon mari et ma tante pour vous mieux recevoir.

— Quoi ! madame, vous m’aviez déjà oublié ! j’ai donc bien fait de me hâter de venir, car dans trois jours mon nom même vous eût été inconnu…

Et il lança un regard incisif sur un coin de la lettre qui passait sous la broderie. Ce regard fut plus rapide que la pensée, mais il semblait dire énergiquement : — Pourquoi mentez-vous ?

Marguerite se sentit confuse et irritée. Quoi ! ce jeune homme qu’elle avait cru si insignifiant, si peu digne de son attention, il osait interroger sa conscience ? Il dominait d’emblée la situation et la tenait, elle, Marguerite, sous sa férule ?