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feuilles de papier à mon intention ? Peut-être aime-t-elle naturellement à écrire et joue-t-elle à la Sévigné ?… Mais non ! ses lettres n’ont aucune prétention au bel esprit… Ah ! j’y suis… Elle a été mariée bourgeoisement : elle a épousé un monsieur Milleret bourré d’écus et elle trouve sans doute une satisfaction de vanité à laisser traîner quelquefois sur son pupitre une lettre qui porte pour suscription : « à madame la vicomtesse. »

« Elle m’annonce la visite de son frère qui m’admirait tant jadis, dit-elle ; en cherchant bien je crois me souvenir, en effet, d’un garçon de dix-huit ou vingt ans qui grandissait encore lorsque je quittai le couvent, dont les cheveux étaient taillés en brosse et qui devenait rouge comme une pomme d’api, quand j’entrais au parloir avec sa sœur… Le susdit jeune homme est devenu lieutenant d’artillerie et tient garnison à Limoges… Allons, tant mieux ! Qu’il soit le bienvenu, monsieur le lieutenant, s’il sait faire de la tapisserie, chanter des romances ou faire le quatrième au whist !

« Ce doit être quelque petit officier dameret qui cherche un salon où venir faire la roue… à moins que ce ne soit un lourdaud d’estaminet que sa sœur voudrait envoyer un peu à l’école… Il m’ennuiera sans doute…

« Si, au lieu d’un joli militaire ou d’un soudard grossier, il arrivait ici un chevalier des anciens temps, un preux, un Raoul de Coucy… ou bien un poëte, de