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elle pensait naturellement que les autres devaient, comme elle, immoler leur personnalité à la génération suivante. Le vicomte, d’ailleurs, ne dérangeait pas ce calcul. Non point qu’il eût pris aussi résolûment qu’elle le parti du dévouement, mais parce qu’il était naturellement d’un caractère facile, qui l’avait rendu malléable aux mains de Jeanne, comme il eût pu l’être en d’autres. Elle jugea qu’il devait vivre à Mauguet et n’eut point de peine à l’y retenir, car il s’y trouvait heureux, ne s’occupant de rien, tenant le haut du pavé dans le pays et savourant, à Limoges et aux environs, ses succès de poëte de salon, de causeur agréable et de chasseur élégant.

Peut-être, cependant, les années allaient-elles lui donner d’autres besoins et lui faire rechercher des plaisirs dispendieux. Les qualités qui le faisaient charmant à vingt ans devenaient un peu frivoles à quarante. Lui-même sentait le vide et s’ennuyait parfois. Mais Jeanne ne doutait pas de son bon cœur et savait bien que, malgré quelques demi-révoltes, il se résignerait toujours.

Quant à Marguerite, c’était sur elle que Jeanne comptait pour continuer son œuvre. — Encore une tutelle de femme, pensait-elle, et la maison de Mauguet aura rétabli sa fortune.

C’était autrefois un fait reconnu dans la noblesse que les tutelles de femmes refaisaient les héritages. En effet, si peu de femmes savent, comme Jeanne, travailler activement à la fortune de leur maison,