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Après avoir adressé à l’un quelques paroles de reproche, à l’autre un encouragement, Jeanne fit un signe et tous se mirent à genoux pour la prière du soir. Le vicomte, Jeanne et Marguerite en récitaient tour à tour les versets, les domestiques répondaient en chœur. Comme c’était la vigile des quatre-temps, on ajouta les litanies et une dizaine de chapelet. Puis Myon sortit la première et tous les serviteurs la suivirent après avoir donné le bonsoir à leurs maîtres et fait la révérence à la porte du salon.

Jeanne, le vicomte et sa femme échangèrent les souhaits ordinaires, prirent chacun une lampe et gagnèrent leurs chambres.

Marguerite s’arrêta la dernière, au bout d’un long corridor. Elle entra seule dans la chambre d’honneur, qui était la chambre nuptiale des vicomtes de Mauguet et que Jeanne n’avait jamais habitée. Depuis la naissance de leur fils les deux époux ne s’y réunissaient plus. Les couches de Marguerite et la nourriture du jeune Pierre avaient été d’abord un suffisant prétexte ; mais ensuite, l’habitude de vivre séparément se trouvait prise et on ne la changea pas, malgré les représentations de Jeanne qui voyait dans cette dérogation aux anciennes coutumes, sinon un danger, du moins un malheur de famille.

Quand la porte de cette chambre fut refermée sur elle, et qu’elle eut poussé du doigt le verrou dans sa gâche, la vicomtesse changea soudain de physionomie. Ses yeux s’animèrent, ses mouvements, qui tout à