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yeux ? C’est qu’elle a reporté sur lui toutes ses espérances ; c’est qu’elle espère, en le cultivant dès ses plus jeunes années, lui insuffler son âme et vivre en lui dans l’avenir. À chaque leçon et à chaque caresse elle semble lui dire du regard : Oui, c’est pour toi que je veille et que je me dévoue, pour toi que je rachète ou fertilise un à un tous ces morceaux de terre ; tu es le but de ma vie et tu seras un jour le couronnement de mon œuvre.

— C’est bien mademoiselle Jeanne qui reste le chef et la providence de la famille, dit madame Margerie. Elle fait ensemencer les terres et apprend à épeler à son petit neveu ; mais que voulez-vous que devienne la vicomtesse dans cet intérieur où elle n’a pas même sa fonction de mère ? Peut-être, si elle se sentait moins inutile, serait-elle moins portée à isoler sa vie, et à chercher des distractions que vous trouvez dangereuses…

Cette réflexion de madame Margerie termina la conversation. Que si maintenant, tandis que la digne matrone roule autour de son peloton de laine le bas qu’elle tricote, tandis que le curé met son manteau et que le docteur allume une lanterne pour son ami, nous nous transportons au château de Mauguet, dans le grand salon que nous connaissons, nous y trouverons encore toute la famille réunie.

Le temps, en s’écoulant, n’a point apporté dans cet intérieur de changements imprévus. Les portraits de famille, la grande table, l’épinette, les vastes bergères