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— Mademoiselle Jeanne est une nature trop au-dessus des faiblesses humaines pour les deviner, reprit l’abbé. Elle a tant de virile énergie, d’activité, de passion pour le but qu’elle poursuit, qu’elle ne songe pas à s’insinuer doucement dans le cœur de sa nièce pour le diriger ou le préserver. Il lui semble que cette jeune femme ne doit vivre aussi que pour relever la maison de Mauguet, et qu’elle doit se contenter d’être l’anneau qui relie le passé au présent et rattache la chaîne des vicomtes de Mauguet. Elle n’a jamais songé que sa nièce pouvait avoir d’autres sentiments et d’autres aspirations. Si on le lui disait, elle en demeurerait consternée. Elle trouverait Marguerite déjà coupable. Mais je ne veux pas lui ouvrir les yeux sur les pensées qui tourmentent cette pauvre âme. Ce serait comme si je lui montrais un abîme. Et à quoi bon ? La noble créature sait marcher droit et ferme dans les voies difficiles ; elle vaincrait tous les obstacles, et succomberait devant des chimères.

— Mais au fait, pourquoi n’est-elle pas heureuse, cette jeune femme, et que lui manque-t-il ? demanda madame Margerie. Son mari n’est point d’un caractère difficile ; elle a un enfant charmant ; elle peut en avoir d’autres ; enfin elle voit la fortune de sa famille prendre un accroissement vraiment inespéré.

— Le vicomte Charles de Mauguet, dit le docteur, est un type singulier. En apparence, il ne lui manque rien pour faire un homme accompli ; et, en réalité, c’est un pauvre sire.