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d’un seul coup s’arracher du cœur toutes ses affections, toutes ses espérances…

Les heures s’écoulèrent tandis qu’elle consommait le suprême sacrifice de sa jeunesse et de son amour… Mais quand elle se releva, son parti de dévouement était pris à jamais.


« Adieu, Louis, écrivit-elle en étouffant ses sanglots ; le devoir austère qui protestait encore au fond de ma conscience s’est fait vivant et palpable. Vous m’estimez trop, j’espère, pour croire que j’y pourrais manquer en face d’une tombe et devant un enfant dont je deviens la mère. Partez pour Paris, où vous attend un bel avenir, et oubliez-moi… ou plutôt, souvenez-vous que vous laissez ici la meilleure des amies. Je vous ai bien aimé, et, il faut que je vous le dise, je vous ai dû jusqu’ici tout le bonheur de ma vie… »


Elle plia la lettre de son frère et la mit, avec ce billet, dans une enveloppe à l’adresse de Louis Thonnerel. Puis elle reprit sa prière, car il lui fallait l’appui céleste pour soutenir son courage.

La force ne fait point défaut à ceux qui la demandent au Dieu crucifié. Jeanne put reparaître devant ses amis avec un front serein et accueillir son neveu avec un cœur apaisé.

C’était, d’ailleurs, un brave enfant dont l’âme semblait ouverte à tous les sentiments généreux. Une étincelle d’orgueil brilla dans les yeux de Jeanne à travers ses pleurs. Elle se dit qu’elle ferait un homme de cet