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tion vraie ce castel en ruine et cette noble fille qui a eu tant de peine à reconquérir son foyer désert.

Lui aussi, pendant ses années d’enfance, il a couru le long des rampes escarpées qui descendent du manoir aux étangs. Son père, ami de l’ancien curé de Saint-Jouvent, l’amenait quelquefois avec lui au presbytère ; il venait à Mauguet avec le curé et son neveu. Mais il avait douze ans quand Jeanne en avait seize. À ces âges, quatre ou cinq années mettent une grande distance entre deux jeunes gens. Louis était un enfant, Jeanne une jeune fille. Tandis qu’elle préludait par de sérieuses pensées, par de pieuses rêveries, à son entrée au couvent, car elle devait être religieuse, Louis jouait avec les chiens de chasse, ou jetait de la mie de pain aux carpes des étangs.

Jeanne n’avait conservé de cette première connaissance qu’un bien vague souvenir. Dans ce temps, elle causait avec le docteur Margerie, avec le vieux curé, avec Sylvain Aubert, son neveu, qui se préparait aussi à un austère avenir, et elle faisait peu d’attention à l’enfant espiègle et tapageur. Elle l’aimait pourtant, car Louis manifestait déjà une vive intelligence et un cœur d’une sensibilité extrême ; mais, c’était d’une amitié protectrice et quasi maternelle. Quand elle le retrouva, quinze ans après, Louis était devenu un homme. Cependant elle continua de considérer l’avocat comme beaucoup plus jeune qu’elle. Il lui semblait que la distance demeurait la même, et qu’ils n’appartenaient point à la même génération.