Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vit une grande feuille blanche à la porte de l’habitation du maire et y lut, presque malgré elle, tous ses noms qui étaient écrits en lettres de trois pouces :

Demoiselle Andrée-Charlotte-Adélaïde-Jeanne de Nieulle, ci-devant vicomtesse de Mauguet, et monsieur Louis de Thonnerel…

Elle pensa que c’était une sorte de galanterie du maire, en récompense peut-être de ce qu’elle l’avait reçu. Mais cette platitude lui souleva le cœur plus que la première impertinence.

Le temps s’écoulait et Jeanne s’accoutumait à croire au bonheur. Louis s’était installé chez le curé et venait passer à Mauguet des journées entières… on touchait à la veille du mariage.

Amour ! espérance ! bonheur tranquille et pur !… voilà ce que disait au cœur de Jeanne une voix enchanteresse, et elle l’écoutait en extase, libre désormais de tous ses scrupules, car elle ne voulait plus s’en laisser troubler depuis qu’elle avait pris la résolution de les vaincre.

Par moments, toutefois, il lui semblait qu’elle était endormie et en proie à un songe. Elle avait comme une sorte de pressentiment qui lui donnait peur du réveil. — Serais-je donc née pour être heureuse ? se demandait-elle avec étonnement.

Le mardi de Pâques, vers midi, Myon lui annonça deux visiteurs étrangers.

L’un était un jeune homme, un enfant presque, qui la salua gravement ; l’autre, un vieillard qui lui