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vait s’empêcher de reconnaître en lui la passion vraie, portée à son paroxysme suprême.

— J’ai passé des heures là-bas, reprit-il, dans l’ancienne haute futaie, en face de vos fenêtres éclairées dont je ne pouvais détourner les yeux ; j’étais appuyé à l’acacia qui penche sur l’étang, au bord de la rampe, quand vous êtes sortie pour vous promener sur la terrasse…

Il se tut un instant, brisé d’émotion. Jeanne, impassible d’abord, se troublait à son tour.

— Il m’a fallu toutes les forces de ma volonté pour m’empêcher de bondir jusqu’à vous, de rappeler qu’un jour au moins vous m’avez aimé, et de vous crier que je mourrais d’angoisse…

— Toutefois, comme les forces humaines ont une limite, j’ai senti que les miennes étaient finies ; tout ce que j’ai pu faire, je l’ai fait : je suis venu ouvertement par la grande porte, au lieu de venir comme un voleur d’amour… je suis venu vous dire : Jeanne, qu’ordonnez-vous de moi ? Faut-il partir demain pour Paris… car je ne saurais plus tenir ici une heure si vous me repoussez, ou faut-il compter sur votre pitié… sur votre affection ?…

Jeanne tremblante, agitée, mise hors d’elle-même par un dernier combat, détournait la tête pour ne pas voir Louis, et ne lui répondait pas, tant elle avait peur de trahir son amour ou son devoir ; et puis, elle aussi était arrivée au paroxysme de la passion ; la volonté et la voix lui manquaient à la fois.