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Il le regarda s’éloigner, en s’effaçant derrière son mur comme un malfaiteur aux aguets. Un moment il avait pensé à le rejoindre et à lui raconter ingénument ses faiblesses et ses douleurs ; mais cette pensée naïve fut bien vite étouffée par la joie insensée de se trouver seul si près de Jeanne, et l’envie de prolonger cette sorte de mystique tête-à-tête. Au lieu de s’en retourner à Limoges, il se blottit donc de plus en plus dans l’ombre ; et, jusqu’à ce que le curé fût disparu, il trembla de peur que son cheval ne hennît.

Quand il se vit bien seul et bien à l’abri de toute rencontre, il sortit de sa cachette et conduisit son cheval, avec mille précautions, à travers les troncs abattus de la haute futaie pour faire le tour du château et regarder les fenêtres s’illuminer tour à tour, puis rentrer dans l’ombre.

Jeanne, apparemment, restait au salon malgré l’heure avancée, car la lampe ne s’éteignait pas, et les lueurs rougeâtres qui faisaient briller les vitres par intermittences témoignaient que le foyer flambait encore.

— Que fait-elle là seule ? se demandait-il ; les domestiques sont couchés ; pourquoi veille-t-elle ?

Et son imagination lui fournit successivement les thèmes les plus divers.

— Peut-être qu’elle rêve comme moi… et à moi ?… Peut-être qu’elle travaille ?… ou qu’elle lit ?…

Et il se la représenta dans une bergère, au coin du