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qui le séparait du curé, de Mauguet et de Jeanne.

Toutefois, quand il eut fourni une bonne traite, il s’arrêta et se demanda s’il n’avait point eu tort de refuser d’aller à Mauguet. Le curé pouvait, dans les meilleures intentions du monde, parler de son refus. Que penserait Jeanne alors ? Qu’il était blessé peut-être de tant de lenteurs ou qu’il était disposé à renoncer à sa main. Or, la fière fille pardonnerait-elle une bouderie ? oublierait-elle un moment d’hésitation ?

Il rebroussa chemin avec le même empressement fiévreux qu’il avait mis à galoper vers Limoges ; mais bientôt il modéra le pas de sa monture.

— Si j’y vais maintenant, se dit-il, par là même je trahirai ma faiblesse ; je manquerai à ce que je me suis juré. Si je n’y vais pas… j’offenserai peut-être la délicate susceptibilité de la personne que j’aime le plus au monde…

Tout en rêvant, Louis gagna lentement le carrefour, prit la traverse et arriva devant la grand’porte} de Mauguet. Tandis qu’il hésitait encore, l’horloge de Saint-Jouvent sonna. Il compta les coups : — Dix heures ! se dit-il, il est trop tard pour me présenter…

Au même moment, il entendit les chiens jeter quelques aboiements, et les portes s’ouvrir et se fermer. Il n’eut que le temps de traverser la route et de se cacher derrière l’angle d’une grange. C’était le curé qui sortait pour regagner son presbytère.

— Allons, se dit-il, je me serai tenu parole malgré moi-même !…