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du presbytère que ce mal cruel le saisit. Précisément, ce soir-là, un manteau de neige couvrait la terre, et le ciel, noir et lourd, semblait de plomb. Malgré tout, le curé allait à Mauguet. Louis prit avec lui le chemin de traverse qui conduit jusqu’à la grande route, mais arrivé au carrefour, il lui dit bonsoir, lui tendit la main et se tourna du côté de Limoges.

— Vous ne venez pas avec moi à Mauguet, Louis ? demanda le prêtre étonné.

— Non, j’y ferais une triste figure. À revoir, mon ami !

— Mais la solitude ne vous rendra ni le courage ni la gaieté ; venez. Si vous craignez que ma malheureuse manie musicale ne vous expose au tête-à-tête avec mademoiselle Jeanne, nous pouvons passer prendre Margerie et sa femme…

— Merci, cher abbé ; mais, en vérité, pour ce soir j’ai besoin de solitude. Il faut que je tâche de me former à la résignation… et c’est difficile.

— Allons ! venez donc ! reprit avec insistance le pauvre abbé qui n’entendait rien à la logique des passions ; logique étrange, absurde en apparence, parce qu’elle procède par déductions contraires, et pourtant si bien fondée sur les besoins du cœur humain. — Venez donc ! Je ne désespère pas de vous marier après Pâques.

— Dieu bénisse vos efforts et votre espérance, cher ami… mais… adieu pour ce soir.

Et Louis mit son cheval au trot, puis au galop, comme s’il avait voulu allonger bien vite la distance