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l’esprit et se trouvait offensé dans sa dignité autant que blessé dans son amour.

Il aimait passionnément, et toute sa vie s’était attachée à cet amour ; mais alors il se promit à lui-même de ne pas faire une démarche de plus pour obtenir la main de Jeanne, de ne pas chercher même à réveiller la tendresse de ce cœur qui hésitait encore après avoir senti la profondeur de son dévouement.

Que cette fierté demandait de courage ! Combien de fois le pauvre jeune homme sentit sa main trembler, lorsque, le soir, il la tendait à Jeanne en présence des amis communs, tant il avait peur de se trahir par une pression interrogative ou suppliante.

Quelquefois il se surprit partant de Limoges à cheval, vers le milieu du jour, et galopant ventre à terre vers Mauguet, pour demander tout à coup à Jeanne une réponse décisive, ou plutôt, pour arracher ou surprendre son consentement. Il s’arrêtait et tournait bride, aussitôt que sa volonté avait pu triompher, ou bien il ralentissait l’allure de son cheval, suivait la route, tout en rêvant silencieusement, et arrivait jusqu’au presbytère de Saint-Jouvent où il restait de longues heures, parlant à Sylvain Aubert de mille choses, excepté de celle qui lui tenait au cœur.

Les semaines s’écoulaient ainsi, pénibles pour tous. Un soir, Louis se sentit plus triste encore que de coutume. Il avait l’âme affamée de bonheur et ne savait où trouver même une consolation. C’est en sortant