Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venu parmi nous. Qui connaît mieux que vous le cœur noble et loyal de Louis Thonnerel ? Eh bien ! ce cœur calomnié par votre frère se révélera bien vite à lui. Il verra que vous avez agi prudemment, en épousant un honnête homme, dévoué à votre famille, et un esprit d’élite qui pourrait arriver à tout, avec les nouvelles institutions de la France.

M. et madame Margerie soutinrent le raisonnement de l’abbé Aubert, et le développèrent cent fois en tous les sens. Jeanne écoutait, mais ne prenait aucune décision. Désormais, pour elle, le charme était rompu. Elle ne prenait point de parti, mais c’était, pour ainsi dire, par lassitude de la lutte.

Ce court relais de bonheur qui venait de couper sa vie austère lui rendait le renoncement bien cruel ; et puis son cœur, ballotté entre tant de longues douleurs et de rapides joies, ne trouvait plus de point d’appui dans sa conscience. Elle ne voulait ni braver ces lois sacrées de la famille, auxquelles elle s’était dévouée, ni sacrifier sa vie à un scrupule exagéré ou à un faux point d’honneur.

C’est pourquoi elle ne cessa point de voir Louis, mais leurs rapports devinrent contraints comme ceux de gens dont la position est incertaine. Le bonheur ne reparut plus.

Tous deux souffraient cruellement. Jeanne sentait se réveiller en elle tous les scrupules que les paroles de l’abbé Aubert y avaient apaisés. Louis, bien qu’il ignorât les termes de la lettre du vicomte, en devinait