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dans les pages éloquentes de Bernardin de Saint-Pierre un charme enivrant. Quoi d’étonnant donc à ce que ces causeries du coin du feu, libres épanchements d’esprits d’élite et de cœurs sincères, parussent à Jeanne de Mauguet, à l’abbé Aubert, à Louis Thonnerel et à M. Margerie des plaisirs délicieux ? Quoi d’étonnant encore à ce que Louis et Jeanne savourassent les prémices de leur amour avec d’étranges voluptés ?

La réponse du vicomte de Mauguet à la lettre de l’abbé Aubert se faisait attendre. Jeanne cependant n’éprouvait aucune impatience de ce retard. Peut-être avait-elle au fond du cœur une certaine appréhension qui l’empêchait de souhaiter une trop prompte certitude. D’une part, quand on touche au bonheur, on aime pour ainsi dire à en prolonger l’attente ; de l’autre, on trouve dans l’espérance même de si douces joies qu’on voudrait souvent s’en contenter toujours plutôt que d’y renoncer jamais.

En attendant, Louis venait à Mauguet deux ou trois fois la semaine, et il y était accueilli par Jeanne en ami accepté, et parle curé, le docteur et madame Margerie, en futur mari de la châtelaine. Il ne se passait pas de soirée où quelque allusion à son prochain mariage ne vînt remplir le cœur de mademoiselle de Mauguet de trouble et de joie. Elle ne les relevait pas, elle ne les acceptait pas en y répondant, mais elle les goûtait en silence et les recueillait intérieurement.

Puis, quand elle se retrouvait seule, dans sa chambre austère, ou au milieu de la triste campagne d’hiver,