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C’est mademoiselle Jeanne de Mauguet, la sœur du dernier châtelain, et la seule, de sa famille, qui n’ait point émigré. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Limoges vint de lui assigner, pour sa part d’héritage, le château de Mauguet et les biens non vendus que nous avons cités plus haut.

Près d’elle se tient un jeune prêtre. C’est le curé de Saint-Jouvent qui vient de s’installer dans la paroisse voisine et d’y ramener la prière. Neveu de l’ancien curé que la révolution a chassé, le jeune prêtre a passé son enfance dans le presbytère modeste où il vient de rentrer après bien des orages. Souvent, jadis, il accompagnait son oncle au château de Mauguet, quand le vieillard allait le soir y faire sa partie de cartes. Il avait appris à lire dans le même abécédaire que mademoiselle de Mauguet, et tous deux étaient amis d’enfance. Ils se quittèrent à treize ans, et se retrouvèrent à trente : elle, femme raisonnable, éprouvée par les revers ; lui, prêtre chargé de replanter les croix abattues et de rallumer la foi dans les cœurs indifférents ou attiédis.

Un homme de quarante ans environ, au costume demi-bourgeois, demi-rustique, à la physionomie bienveillante et ouverte, cause avec mademoiselle de Mauguet et lui désigne du doigt plusieurs points du paysage. C’est le docteur Margerie, médecin de la commune de Saint-Jouvent, qui a, lui aussi, passé bien des heures de sa vie dans la grande salle du château de Mauguet, et qui a vu grandir Jeanne au milieu