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— Qu’importe le menu ? mais il importe beaucoup, quand depuis midi on court la campagne. J’ai une faim dévorante, moi !… Mais vous, il paraît que vous comptez vivre de l’air du temps ? Allons, mettons tous de côté le respect humain. Mon cher abbé, dites le bénédicité, et faisons honneur au festin !

À dater de ce moment, toute gêne disparut entre les trois amis. Jeanne et Louis, se sentant hors de danger, triomphèrent de leur trouble et laissèrent leur bonheur intime s’échapper en gaieté communicative. L’abbé Aubert aussi s’associa bien vite à cette joie dont il était le premier auteur. On mangea de bon appétit, on rit comme des enfants, et le repas se prolongea tard, entremêle de causeries et de projets d’avenir.

Pendant la veillée, l’abbé Aubert fit de la musique ; les deux amants, assis en face l’un de l’autre, de chaque côté de la cheminée, semblaient écouter avec ravissement les sons grêles du pauvre clavecin. C’était pour tous deux un prétexte de s’abandonner à une rêverie délicieuse, sans la rompre par des phrases banales ou des paroles brûlantes. Aussi, par ce même accord tacite, où déjà leurs cœurs s’étaient rencontrés plus d’une fois, s’abandonnèrent-ils à leur muette extase. L’abbé, de son côté, se laissait aller au charme de recommencer ses vieux airs. On ne comptait les coups qui sonnaient à la pendule, ni de part, ni d’autre. Mademoiselle de Mauguet avait près d’elle un