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Leurs âmes débordaient, et ils sentaient bien que la première parole serait décisive et romprait le charme.

Par bonheur, au moment où Jeanne allait servir, la porte s’ouvrit, et l’abbé Aubert parut.

— Eh ! bonsoir, mes chers amis, s’écria-t-il. Je suis heureux de vous rencontrer tous les deux en si bonne disposition… Mais il paraît que j’arrive à temps.

— Vous arrivez toujours à propos, et vous êtes toujours le bienvenu, mon cher abbé ! Myon ! Myon ! vite ! un troisième couvert !

Ce fut d’une voix vraiment joyeuse que Jeanne répéta cet ordre. Et, d’un commun accord, Louis et elle s’empressèrent autour de Sylvain Aubert, pour le débarrasser de son manteau et lui avancer le grand fauteuil entre la table et le foyer.

— Mais vous me traitez non-seulement en pasteur, mais encore en vieillard, s’écria le jeune prêtre. Je saurai bien me caser tout seul. Un tel accueil me confond, moi qui arrive ainsi, à l’improviste, dévorer votre souper… Heureusement j’ai apporté un jambon préparé par les mains expertes de madame Margerie…

— En vérité ! mon ami, vous ne pouviez mieux faire que de venir… et d’apporter votre jambon ! s’écria Jeanne en riant ; car j’ai invité Louis par hasard, et nous allions faire un maigre souper !

— Oh ! que ce souper vous préoccupait donc ! reprit Louis… C’est à me faire honte d’avoir accepté… Eh ! qu’importe le menu quand le bonheur l’assaisonne !