ainsi qu’ils prolongèrent leur promenade, de détour en détour, jusqu’à la nuit close.
La lune était levée lorsqu’ils arrivèrent au pied de l’étang, et, malgré le brouillard, ses rayons jetaient sur l’eau de grandes nappes de lumière. Jeanne se redressa, rouvrit les yeux, et revint au sentiment des choses de ce monde. Un frisson parcourut ses veines ; elle se sentit rougir et trembler en même temps. C’est qu’il lui sembla tout à coup que ce moment d’oubli l’avait transformée. Tant d’émotions s’étaient succédé dans son cœur, tant de rêves rapides et brûlants y avaient passé depuis quelques instants, qu’elle ne savait plus à quoi se prendre pour se retenir sur la pente de la passion. Elle eut une minute de terreur et de honte, comme si elle s’était abandonnée.
Son trouble était si grand que, par un sentiment de pudeur, elle voulut cette fois le dérober à Louis ; aussi ne se pressa-t-elle pas de gagner le château. Elle demeura un instant immobile, au bord de l’eau, les yeux fixés sur les silhouettes qui s’y miraient, et l’esprit perdu dans un chaos de pensées contradictoires. Enfin, quand le sang lui battit moins fort dans les artères, quand, par un puissant appel, elle eut réveillé sa volonté endormie, elle entraîna Louis vers la rampe qui montait à Mauguet.
Chez les natures vierges que nulle tentation n’a jamais effleurées, la passion fait parfois d’étranges ravages en une seconde. Jeanne venait de comprendre l’immensité du sacrifice qu’elle aurait à faire, s’il lui