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champs incultes, et ne songeaient qu’à la richesse qu’ils y sèmeraient. Jeanne éprouvait un plaisir singulier à faire, au bras de Louis, sa tournée quotidienne dans les domaines, et Louis à élaborer des projets de défrichement et de culture. Pendant que leurs cœurs s’enivraient d’amour, ils s’appliquaient à ne causer que de choses vulgaires et d’intérêts matériels. Ne mariaient-ils pas leurs deux existences, en associant ainsi leurs pensées dans un même dévouement ? Et lorsqu’ils disaient : nous ferons creuser ici des rigoles pour l’écoulement des eaux ; nous ferons porter là du sable et des pierres pour ferrer la chaussée ; nous sèmerons du blé l’an prochain dans cette terre forte où l’on a mis du sarrasin, etc., n’était-ce pas comme s’ils avaient dit : nous habiterons ensemble le château de Mauguet ; nous y partagerons une vie tranquille et heureuse après tant d’épreuves ; nous aurons les mêmes devoirs, les mêmes intérêts, la même famille… nous serons époux enfin ?

Ils revinrent à Mauguet, vers le soir, après une longue course à travers les prés et les châtaigneraies. Cette journée avait passé comme un songe.

— Déjà quatre heures ! disait Jeanne, en écoutant sonner l’horloge de Saint-Jouvent. Louis, je vous garde à souper ! Voulez-vous ?

— Si je le veux !… Mais vous me donnez trop de bonheur aujourd’hui, Jeanne ; vous ne pourrez plus me le reprendre !

Jeanne posa précipitamment la main sur la bouche