Mais lorsqu’il aborda Jeanne, elle rougit en le regardant et en lui tendant la main.
— Ah ! s’écria-t-il, vous ne me repoussez pas !
— Non, Louis… Mais, reprit-elle précipitamment et comme pour prévenir l’explosion de l’amour du jeune homme, mais, malgré les encouragements de notre ami Sylvain Aubert, je n’ai encore pu prendre ma résolution en conscience. Ne me parlez donc de rien. Ne cherchez pas à m’engager à vous. Je me délierais, je me défendrais… et, si vous le voulez, nous pouvons être si heureux aujourd’hui !…
Cette précaution et cette prière n’étaient-elles pas le plus sincère des aveux ? Grande jusque dans sa faiblesse, Jeanne n’essaya même pas de dissimuler à Louis l’étendue de son amour. Elle lui livra son cœur dès le premier regard. Tout dans son passé, dans son présent, dans la loyauté même de cet aveu, disait si bien : Oui, je vous aime, Louis, je vous aime comme mes souvenirs d’enfance, mes rêves de jeune fille, mes tendresses de femme, et pourtant, si le devoir commande de renoncer à vous, j’y renoncerai ! Quoi que je fasse, je le ferai en conscience. Votre bonheur… ou mon supplice.
Cette journée fut belle entre toutes les journées heureuses qu’ils devaient passer ensemble. Louis comprenait trop bien l’état du cœur de Jeanne pour essayer de le violenter. Et puis, il avait un tel besoin de croire et d’espérer, qu’il craignait par-dessus tout d’effaroucher le bonheur. Tous deux étaient d’accord