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Raoul de Nieulle, seigneur et vicomte de Mauguet, avait émigré, laissant à la nation son donjon patrimonial et les douze métairies qui l’environnaient à deux lieues à la ronde.

Les métairies dépecées avaient été vendues aux paysans patriotes des villages voisins comme biens nationaux ; mais le château, faute d’acquéreur peut-être, était resté abandonné avec ses réserves, quelques parties de bois, les trois métairies les moins productives, et une grande étendue de landes qui servait de pâtural commun aux propriétaires riverains.

Au moment où commence ce récit, les fenêtres et les portes de Mauguet se rouvrent, et quatre personnes observent, du haut de la principale terrasse, les ravages du temps et de l’abandon.

Il est six heures du soir ; le jour commence à baisser, et, malgré les rayons empourprés d’un beau soleil couchant, l’humidité des étangs se fait sentir. Cependant les hôtes de Mauguet ne songent point à rentrer. Ils regardent le paysage qui entoure le château, et se communiquent leurs pensées.

Tous, en effet, retrouvent des souvenirs épars à chaque détour des chemins, à chaque pierre des terrasses.

Une femme, surtout, enveloppée dans une large pelisse et penchée sur le rebord de la terrasse, interrompt sa conversation par de fréquents silences, et promène longuement ses regards sur les jardins dévastés, les étangs et les grands chênes qui entourent le château.