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donne ! Vous le ferez heureux, n’est-ce donc rien ? Et ce bonheur certain, ne compensera-t-il pas quelques stériles triomphes d’orgueil et de fortune ? Je vous connais tous les deux, et je sais votre mesure. Eh bien ! croyez-moi, ne tentez pas Dieu en refusant pour quelques avantages mondains le solide bonheur qu’il vous envoie. Vous croyez-vous donc si sûre de votre fragile cœur que vous puissiez lui dire : Tu renonceras à toutes les joies et tu auras toutes les vertus ? Et si le cloître lui-même, si l’habit du prêtre ou de la religieuse, si le sentiment d’un vrai devoir et d’un engagement sacré, suffisent à peine à soumettre l’homme à la loi de renoncement, espérez-vous vaincre toutes les révoltes de la jeunesse, éteindre toutes les flammes de la vie, avec une résolution fondée seulement sur des motifs humains, sur des délicatesses arbitraires ?… Non, non, vous ne le pourriez pas. Vous enfermeriez en vous-même un foyer de tentations et de supplices… Et plus tard… quand les années auront blanchi vos cheveux et ride votre front… quand Louis, repoussé, porterait peut-être ailleurs ses affections, qui vous dit que votre âme, en proie aux tentations de l’enfer, ne maudirait pas son sacrifice et les vains scrupules auxquels elle l’aurait fait ?

Des larmes silencieuses coulaient sur les joues de Jeanne qui baissait la tête en écoutant les paroles du prêtre. Ces paroles ne trouvaient que trop d’écho dans son cœur, les dernières surtout. Elle sentait bien que la passion parlait en elle avec une violence chaque