Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

seur d’un obscur gentilhomme ?… Non, non, c’est parce que j’apprécie Louis, parce que je l’aime… d’une amitié sincère, que je ne le sacrifierai point à mes affections de famille. Je ne puis pas, je ne dois pas accepter, ajouta-t-elle en retenant ses larmes prêtes à jaillir.

— Il faut donc que je lui porte votre refus ?

— Dites-lui, reprit-elle au comble de l’émotion, que je le refuse parce que je l’aime autant que mon frère et que l’avenir de notre maison !

Elle s’arrêta tout à coup, comme effrayée d’avoir trahi d’un mot toute sa passion. Puis, en s’efforçant de commander au trouble de son cœur, elle ajouta :

— Faites-lui comprendre que la différence d’âge sépare nos deux destinées. J’ai passé le temps d’inspirer… et de ressentir les folles ardeurs de la jeunesse.

L’abbé Aubert regardait Jeanne avec une expression de tendresse et de pitié profondes.

— Ma chère sœur ! s’écria-t-il, Dieu vous saura gré de tant de courage ! mais cessez, je vous en prie, de vous torturer le cœur. Croyez-vous donc que je n’y ai pas lu ? Vous aimez Louis de toute votre tendresse. Vous l’aimez comme on aime alors qu’on éprouve en même temps les premières émotions de l’amour et toutes les appréhensions de l’âge mûr. Et puis vous sentez ce qu’il vaut, ce bon, ce brave Louis ! Acceptez son dévouement. Lui aussi vous apprécie à votre valeur… Un cœur tel que le vôtre peut payer ce qu’il vous