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pour obéir aux devoirs qu’elle s’était tracés ; mais elle ne se faisait plus d’illusions ; elle savait bien qu’elle aimait de toute la force de son cœur ; et que ce cœur, plein d’une tendresse folle, se briserait jour où elle se séparerait de son amant.

Elle faisait mille rêves, sachant bien qu’ils ne se réaliseraient jamais, et ces rêves lui devenaient d’autant plus chers. C’était tout ce qu’elle devait prendre de bonheur en ce monde : après eux, après son refus, après le départ de Louis, plus rien ! Le néant, la solitude, la vieillesse, la résignation !

Les paroles du curé furent un choc qui la ramena sur la terre.

— J’ai vu Louis hier, lui dit l’abbé Aubert, qui entra de suite dans le vif de la question.

Jeanne pâlit et le sang lui reflua vers le cœur.

— Eh bien ? mon ami, reprit-elle, en levant sur le prêtre un regard à la fois affectueux et suppliant, comme pour lui dire : Je sais ce que vous allez me conseiller ; j’obéirai au devoir, je me résignerai, mais ayez un peu de patience, un peu de pitié !

— Louis, en m’avouant qu’il vous aimait, ne m’a rien appris de nouveau, ma chère Jeanne. Et comment, vous connaissant, aurait-il pu ne pas vous aimer et ne pas souhaiter de tout son cœur vous avoir pour épouse ? Qui ne l’eût désiré comme lui ? Mais mille raisons s’opposaient à ce mariage.

Jeanne fit un signe de tête affirmatif. Elle ne pouvait parler.